• LES PORTEURS DE VALISES du FLN

      Par :Pieds Noirs 9A..

    LES PORTEURS DE VALISES du FLN

    Pieds Noirs 9A vous propose ;

    Les collabos anti France au service de l'étranger pour faire tué ses enfants de la patrie, ou en France les porteurs de valises reprennent du service en douce comme ceux qui ce rallie a l'Islam ,paix et d'amour du vivre ensembles sous la coupole de la Charia ,ainsi pour alimenter les réseaux dormant et en donnant des noms et adresses..

    LES PORTEURS DE VALISES
    Recueilli par Sivéra

    LES COLLABOS DES ÉGORGEURS DU FLN
    Source : LE CRAPOUILLOT N° 109-mai-juin 1992, pages 44 ;45 ;46 ;47 ;48.)

    Le réseau Jeanson a vu le jour ou plutôt l'ombre des bas-fonds, le 2 octobre 1957, au Petit-Clamart. Auparavant, on n'avait eu à déplorer que des initiatives et prises de position personnelles. Des noms tristement célèbres viennent à l'esprit : Mandouze et ses amis, l'aspirant Maillot, sa désertion et son camion d'armes, Rousset , le premier Européen qui aida le FLN en métropole ; Etienne et Paule Bolo ; les Chaulet : Pierre, médecin, Colette, Anne-Marie, la fiancée de Salah Louanchi, chef du FLN en France.

    Quatre feuilles ont pris parti pour la rébellion : L'Express, France-Observateur, Le Monde et Témoignage Chrétien. Chaque événement un peu spectaculaire a été mis à profit par des intellectuels imprégnés de « l'esprit de la Résistance », alibi de toutes les outrances.

    Après son arraisonnement en plein vol, le 22 août 1956, Ben Bella parle, donne des noms ; Mandouze est arrêté. Aussitôt Robert Barrat, François Mauriac, Jean-Marie Domenach, André Frossard, Georges Suffert prennent sa défense - Mandouze est relâché ainsi que Cécile Verdurand, boîte aux lettres du FLN et Anne-Marie Chaulet.
    La défenestration à El-Biar, accidentelle ou suicidaire, de Me AIi Bournendjel, indigne René Capitant, Paul Teitgen. Et surtout un général extrêmement « républicain », Pâris de la Bollardière, commandant l'Atlas blidéen, demande à être relevé de ses fonctions ; il est rare qu'un militaire de haut rang doive sa célébrité à une démission en rase campagne...

    Touche pas à mon « frère »

    Depuis des années, le rôle de la Mission de France est pour le moins curieux. On y lit Hegel et l'Huma en revenant de l'usine ou du séminaire, pour se convertir au monde ouvrier au lieu de le convertir. Davezies, Urvoas feront des émules, prédestinés par leur passage à Lisieux à aider les « frères » et les « copains », avec l'absolution d'évêques dans le vent. L'abbé Urvoas est l'un des initiateurs du rendez-vous du Petit-Clamart.

    Qu'a fait jusqu'ici Francis Jeanson ? Il a, pendant - la Deuxième Guerre mondiale, découvert une Algérie trop « vichyste » à son goût. Après la guerre, il visitera avec sa femme, une partie du pays et palabrera interminablement avec les autochtones. Ils ont écrit tous les deux Colette un fascicule sur l'accouchement sans douleur, Francis plusieurs ouvrages philosophiques, notamment un Sartrequi fait, comme on dit, autorité.

    En 1955, ils ont publié L'Algérie hors la loi (Seuil), qui dit en substance - « Les départements d'Algérie ne sont pas soumis aux lois de la République ; il faut soutenir la juste cause des acteurs du mouvement national algérien. »
    En passant, le livre prend fait et cause pour ce que Témoignage Chrétien et d'autres journaux appellent la « révolte des rappelés »,ensemble de chahuts de gares et de mini-mutineries de soldats excités par la bière et chauffés par des agitateurs « pacifistes ».

    Le ler juin 1957, le Mouvement de la Paix, émanation de Moscou, organise, au siège de la Fédération de la Métallurgie CGT, un « débat » sur le problème algérien. Les prêtres-ouvriers tiennent le haut du pavé, fraternellement unis aux soutiens laïcs des Frères. Conséquence logique : le 2 octobre, chez Jeanson, tout ce beau monde définit en choeur les grandes lignes d'une action d'aide directe au FLN qui, en France comme en Algérie, élimine le MNA rival par des procédés que réprouvent poliment Barrat, Bourdet, Daniel, Martinet, Suffert et consorts.

    Les « taxis » de la Seine

    L'aide aux rebelles comportera diverses activités : hébergement, recherche de planques et véhicules sûrs, franchissement de frontières, transport et transfert de fonds, recrutement continu.
    L'hébergement ne posera guère de problèmes. Comme l'écrivent béatement les auteurs de "Les porteurs de valises" (Albin Michel),'Hervé Hamon et Patrick Rotman, « héberger un Algérien, ce n'est pas obligatoirement aider le FLN, ce peut être soustraire un homme à l'arrestation, à la torture ». Passez muscade et sortez votre carnet d'adresses.

    Tout baigne également pour les « taxis ». On trouve facilement des chauffeurs bénévoles : Hélène Cuénat, Etienne Bolo, entre autres. C'est, Francis Jeanson lui-même qui se charge d'indiquer les heures et itinéraires ; en cas de besoin, le FLN France dispose de taxis véritables conduits par des « frères » ; « il s'y règle, en roulant, maints problèmes »...
    Restent deux gros morceaux : le franchissement des frontières et le blanchiment de l'argent.

    Depuis ses premiers contacts avec Salah Louanchi, Francis Jeanson joue couramment le rôle du chauffeur-livreur-passeur. Après la réunion du Petit-Clamart, il organise de véritables filières, avec des amis dévoués à la cause qui deviennent des spécialistes. Ainsi deJacques Vignes,Ami d'enfance de Jeanson, Vignes, qui se morfond à la tête d' une petite entreprise familiale bordelaise, se jette dans les bras du FLN sans se faire prier. Il quitte Bordeaux pour Paris, y devient journaliste sportif, à la rubrique voile, sa passion, sous le pseudonyme de Philippe Vigneau. La voile lui laisse des loisirs ; utilisant sa connaissance de la région frontalière, il rend très opérationnelle une filière sur l'Espagne;

    Des Mercedes à plaque CD

    Le processus est immuable. Le FLN attendu à l'antenne de Madrid est pris en charge par Etienne Bolo, Davezies ou Vignes.
    Une voiture « ouvreuse » et le « taxi » font halte pour la nuit dans une villa relais d'Ascain,Paule Bolo s'est établie avec ses enfants : une maison occupée en permanence de façon « bourgeoise » ne saurait attirer les soupçons. Le passage de la frontière s'effectue le lendemain, à pied, à travers un sous-bois. Des véhicules, parfois Mercedes à plaque « corps diplomatique »,attendent le(s)-voyageur(s) sur le versant espagnol. Les FL (Frères larbins) quittent le(s) FLN et tournent les talons, mission remplie.

    Si le transport des cadres est important, le convoyage des fonds l'est plus encore. Il s'agit de sommes énormes. C'est très exactement l'argent d'un racket organisé. Les quatre cent mille Algériens - qui vivent en France sont tous taxés « par la persuasion et par la force » : deux mille francs 1957 mensuels pour les salariés, un pourcentage sur le chiffre d'affaires pour les commerçants, les professions libérales ou mal définies.

    Des caissiers délicats

    Les porteurs de valises vont chercher l'argent collecté par les Frères dans les villes de province, l'entreposent et le comptent dans le secret, d'appartements parisiens prêtés par des sympathisants. Le travail demande une forte main d’œuvre : comptage, recomptage, confection de liasses « convenablement présentées » (Jeanson), etc. « Des membres du réseau, à l'odorat chatouilleux, sont restés traumatisés par l'épouvantable odeur que dégageaient ces monceaux de billets » ; (cela ressemble à du Chirac), c'est,du Rotman-Hamon.

    Ces liasses si convenablement présentées ont forcément une odeur, qui n'indispose en réalité personne, pas même le délicat Robert Davezies. C'est l'argent extorqué au travail, certes ; mais aussi celui de la drogue, des hôtels de passe, des bordels, du bonneteau, des tripots chics.

    Début 1958, la masse monétaire à passer chaque mois en Suisse s'élève à quatre ou cinq cents millions. Un instant utilisée avec plus ou moins de bonheur, la valise diplomatique a vite été abandonnée, à cause de l'indélicatesse d'un diplomate. Francis Jeansonutilise dès lors les services d'un courtier qui, moyennent honnête ristourne, transmet les fonds à Genève et probablement ailleurs.

    Pas exactement la totalité des fonds. Une somme correspondant à un peu moins de un pour cent est allouée aux porteurs : trois millions en tout Là-dessus, il faut payer quelques permanents ; les Jeanson, les Bolo, Hélène Cuénat, etc. touchent soixante-quinze mille francs par mois. Il reste de l'argent pour, les voitures, les frais d'hôtel et de blanchisserie.

    Un passeur, sachant passer

    Très vite, le courtier est remplacé par un agitateur professionnel de grande classe, si l'on peut dire. Un jour d'automne 1957, Robert Barrat a présenté à Jeanson un certain Henri Curiel, communiste égyptien,
    « internationaliste coupé de tout parti »
    (Jeanson), mais pas de la finance internationale où ce fils de banquier a conservé d'utiles appuis. C'est lui qui va désormais s'occuper de passer la majeure partie de l'argent. Les liasses qui viennent des usines, des arrière boutiques, des gourbis et des claques sont rangées dans des cartons de boutiques de luxe, qu'un chauffeur de maître transporte dans une banque, toujours la même. Un coup de télex à un père dominicain établi en Suisse, et l'argent se retrouve là-bas comme par miracle, prêt à se transformer par l'opération du Saint-Esprit en dynamite et fusils-mitrailleurs.

    Passent Guy Mollet, Bourgès-Maunoury, Félix Gaillard, Robert Lacoste. Passe Sakiet-Sidi-Youssef, base FLN bombardée ;passent, le cas Alleg et l'affaire Audin. Passent les palabres interminables entre les communistes officiels et Francis Jeanson (rencontres avec Laurent Casanova, Waldeck Rochet, Kriegel-Valrimont) qui en fait parvenir des comptes rendus détaillés au FLN. L'action, qui prime, passe par le recrutement et la propagande, l'un et l'autre battant leur plein, de conserve.

    Entrée des artistes

    Les saltimbanques sont plus sensibles aux arguments de Francis Jeanson que les moscoutaires du carrefour Châteaudun. Exemple type de recrue issue des tréteaux : Jacques Charby. Fils d'un typographe cofondateur de Révolution prolétarienne, créateur avec Daniel Sorano et d'autres du Grenier de Toulouse, marié à une élève de Mandouze, Aline Bouveret, abonné au Nouvel Observateur, Charby découvre le FLN comme d'autres rencontrent Dieu et décide de l'aider. Par Anne-Marie Chaulet, puis par Colette Jeanson, Charby rencontre le chef du réseau, qui le charge de trouver des « planques » ; tâche facile dans l'accueillant milieu artiste.
    Un soir, il appelle une de ses relations de scène, Cécile Marion , et lui demande d'héberger « quelqu'un » le soir même ; sans demander « qui est-ce ? », elle acquiesce ; voilà un oui plein d'avenir : ce « quelqu'un », c'est Colette Jeanson.
    Ancienne comédienne (elle a joué en 1954 en Algérie avec Alain Cuny) passée à la médecine, Laurence Bataille, boîte aux lettres FLN remarquée par Francis, monte en grade : elle collecte l'argent avec Robert Davezies. Un sien cousin musicien, « aux dons multiples », rejoint le réseau.


    Il n'y a pas dans la troupe que des acteurs. Voici plus grave : un émule de l'aspirant Maillot , le sous-lieutenant Jean-Louis Hurst, fils d'un notable alsacien, sonne en juin 1958 à la porte de Mandouze, à Strasbourg. Quelques semaines plus tard, l'officier français « passe » à la frontière sarroise « des rebelles algériens que ses collègues, sous le même uniforme, traquent dans les djebels » (Hamon-Rotman).

    Il déserte officiellement en août 1958, peu après avoir reçu sa feuille de route pour l'Algérie. Avant de se perdre dans la clandestinité - il assurera maints passages en Allemagne il recrute un deuxième classe nommé Gérard Meier et lui donne une adresse refuge à Yverdon, en Suisse. En mai 1959, Gérard Meier, Louis Orhant, ouvrier métallurgiste, et Jacques Berthelet, principal correspondant à Lausanne de Jeanson, formeront le noyau « vétérans » de Jeune Résistance. Le mouvement tiendra sa première réunion en Forêt Noire, chez un nazi repenti et converti au pacifisme, la deuxième à Mayence, dans un local des Jeunesses socialistes allemandes. Socialisme internationaliste, quand tu nous tiens...

    Des tueurs dans Paris

    Le 15 septembre, avenue de Friedland, Jacques Soustelle échappe à un attentat à double détente. Le premier agresseur, Mouloud Ouraghi, manque sa cible et couvre sa fuite au jugé ; il blesse plusieurs personnes et doit la vie à des policiers qui le sauvent de justesse du lynchage. Le second tueur, Abdel Cherrouk, manque lui aussi sa cible, s'introduit dans une Aronde qui passait par là, mais un motard parvient à sa hauteur et le crible de balles. Un troisième tueur, Ben Zirough, est arrêté. Un groupe de protection réussit à prendre la fuite.
    Le commando a transité en avril par la frontière espagnole au cours d'une opération de routine, Jacques Vignes et Robert Daveziesont introduit en France une dizaine d'Algériens. Davezies écrira plus tard : « Que de jeunes Algériens dont j'ai été le passeur aient tiré sur Soustelle, cela ne me concerne pas. Je ne suis pas algérien, je ne participe pas aux décisions politiques et militaires des Algériens,je suis français. »

    Abdel Cherrouk et Mouloud Ouraghi sont condamnés à mort à l'aube de 1959, l'année où le réseau tourne à plein rendement. Au siège de leur société de production cinématographique, aux Champs-Elysées, Serge Reggiani et Roger Pigaut abritent des rencontres entre les chefs de wilayas. Charby a recruté André Thorent, qui a joué le Russe dans L'Amour des quatre colonels. Haddad Youssef, dit Haddad Hamada, coordonnateur du FLN en France, loge souvent chez l'acteur Paul Crauchet et le réalisateur de télévision Jacques Trebouta (son confrère Raoul Sangla achète, lui, un appartement pour le compte du FLN). Les Frères peuvent également utiliser les complaisances d'enseignants comme Janine Cahen de Mulhouse et Micheline Pouteau, professeur d'anglais à Neuilly.

    La DST attaque

    Mais, pendant qu'ils conduisent, transportent, couvrent, hébergent, protègent, ravitaillent le FLN, la DST accumule rapports, photographies, dossiers, preuves.
    Le 19 janvier 1960, rue d'Ormesson, Haddad Hamada dîne avec Allaoua Daksi chez Said Hannoun. Après le repas, les trois hommes décident d'aller prendre un café dans un bistrot du boulevard Beaumarchais où ils ont leurs habitudes. Ils viennent de commander un café lorsque plusieurs policiers les encadrent. Serein, Haddad Hamada exhibe une carte d'identité au nom de Guy Bensimon ; un chef-d'oeuvre ; les Frères disposent de papiers fabriqués par un expert, un juif polonais ancien de l'Irgoun nomméAdolfo Kaminski et surnommé « Joseph ». Mais les policiers ne s'y laissent pas prendre et embarquent les ,,trois hommes pour la rue des Saussaies.

    Dans les heures et les jours qui suivent, la plupart des « têtes » du réseau sont interpellées : Hélène Cuénat, Gérard Meier, Jacqueline Carré, Janine Cahen, Jean-Claude Paupert, Jacques Charby, Georges Berger, Micheline Pouteau, Jacques etYvonne Rispal, etc. Le juge Batigne les inculpe d'atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'État. Les hommes dont le nom commence par A, B, C... jusqu'à L partent pour Fresnes, les autres pour la Santé. Les femmes vont toutes à La Roquette.

    Les « Effelènes »

    Ces femmes, le pays va les découvrir avec stupéfaction. La presse consacre aux soeurs des Frères de vastes espaces. Sept, ont les honneurs de la Une de Paris-Presse (27 février 1960) ; pour 0,25 NF, vous aviez droit, ce jourlà, à sept photos légendées, sur toute la largeur de la page. Gloria de Herrera, « artiste peintre » américaine, et Vera Harold, céramiste bordelaise, ouvre la marche. Dans l'appartement qu'elles partageaient, se tenaient de nombreuses réunions « d'où les hommes étaient exclus ». Suivent Hélène Cuénat (Claire Allard), Dominique Darbois, photographe ; Cécile Marion ; Jacqueline Carré, camarade de couette et « couverture » du fervent catholique devenu passeur fellouze Gérard Meier ; en fin de rang, la jolie Christiane Grama, étudiante en médecine montée à Paris en compagnie du chef de la wilaya Paris-périphérie.
    Ces sept femmes et viragos sont des échantillons très représentatifs de porteuses. Hamon et Rotman l'affirment, « la majorité d'entre elles agit par conviction » ; mais la conviction n'empêche pas les sentiments, comme pouvait le laisser supposer le cri du coeur d'une prisonnière : « Les Français n'arrivent pas à la cheville des Algériens. »

    Conférence de presse

    Le chef du réseau fellagha est en liberté. Francis Jeanson a échappé à la DST. Régulièrement tenu au courant des progrès de l'instruction par son avocat, Me Dumas, « sympathisant »,il tente un coup d'audace et de publicité en donnant le 15 avril 1960 une conférence de presse clandestine en plein Paris. Y assistent quelques représentants de la presse amie, non seulement maghrébine - il est normal que les commanditaires soient représentés - mais aussi française. Le journaliste le plus connu s'appelle Georges Arnaud(Le salaire de la peur).

    En substance, Francis Jeanson annonce que, malgré le coup de filet de la DST, son organisation reste opérationnelle et continue la lutte contre « le fascisme qui menace la France ». Le coup de pub serait un énorme bide sans une erreur de la DST. Georges Arnaud, qui a rendu compte de la conférence dans Paris-Presse, est arrêté pour « non dénonciation de malfaiteurs ». Deux cents journalistes signent une « pétition de solidarité ».
    Prudent, Jeanson, par une filière qu'il connaît par cœur, passe en Suisse immédiatement après la parution et la saisie de Notre guerre ; il analyse dans ce livre les torpillages, les embûches, les trahisons dont il a été victime de la part de ses propres amis. Henri Curielest nettement visé et pour cause : depuis des mois, patiemment, l'Egyptien bolcheviste étoffe le réseau Jeanson en le truffant d'amis communistes et trotskystes. Quand Jeanson rentre à Paris, fin mai, tout est consommé. Un nouveau réseau a vu le jour en lieu et place du sien : mieux cloisonné en cellules, sections, unités et sous-groupes, le MAF (Mouvement anticolonialiste français) continue à passer des capitaux en Suisse.
    Signez, signez...

    Des capitaux mais aussi des armes ; le 10.mai 1960, on découvre chez une étudiante allemande nommée Inge Huscholz, du sous-groupe Davezies, cent vingt-sept mitraillettes dans neuf valises ; l'aide aux Frères a changé de calibre.
    Ce qui n'empêche pas deux cents « intellectuels » de signer ce qui s'appelle désormais, pour leur honte, « le manifeste des 121 », rédigé par Maurice Blanchet. Solidaire des porteurs de ,valises, ce texte admet le droit à l'insoumission : « Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d'apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français », etc.,
    Sartre et Simone de Beauvoir signent avant de partir en vacances et passent la pétition. Comme moulouds de Panurge, les vieux habitués suivent. Il y a là-dedans des « noms » : dans un certain désordre, Pierre Boulez, François Truffaut, Danièle Delorme, Françoise Sagan(1), Catherine Sauvage, Alain Cuny, Alain Resnais, Simone Signoret sans Montand, André Mandouze.Les prospecteurs de signatures tombent sur un bec : Léo Ferré les éconduit. Morvan Lebesque signe dans un premier temps puis se rétracte. Au grand mécontement de son papa, Florence Malraux signe ; ce n'est pas le premier service qu'elle rend au réseauJeanson.

    Guérilla dans le prétoire : « Au sein du collectif », Me Jacques Vergès.

    Naturellement, les « pétitionnaires » sont passibles de la loi ; beaucoup, n'attendent qu'un procès pour que l'on parle enfin d'eux ; ils seront déçus.' Pour l'instant, seul monopolise l'attention paresseuse de la gauche le procès des porteurs et des Frères arrêtés en janvier. Il s'ouvre le 5 septembre.

    Ils n'ont pas tous les mêmes avocats. Ce doit déjà être assez dur pour les Algériens de se retrouver dans le même box de l'ancienne prison du Cherche-Midi que leurs valets. S'il leur fallait en plus supporter défense commune... Les FLN sont défendus par un collectif :MMe Oussedik, Benabdallah, Zavrian, Vergès et Courrégé. Parmi les conseils des porteurs, citons Me Gisèle Halimi et MeRoland Dumas.
    Tous ont en commun des consignes strictes, qui se résument en trois points : faire durer ; retourner le procès et terroriser le tribunal ; démontrer, par l'absurde.. que l'Algérie n'est pas la France.

    C'était prévisible : tous les avocats vont s'employer, en se renvoyant constamment la balle, à bafouer la justice.

    Ecœurée par cette succession d'incidents de procédure sans justification, Me Gisèle Halimi se désolidarise au bout de quelques jours de cette pantalonnade. Me Dumas reste. «La veille de sa suspension par contumace, l'ami Vergès lui a bel et bien lancé un défi, haussant toujours la barre, histoire de vérifier jusqu'où s'aventure un avocat bourgeois». (Rotman-Hamon). Docile toutou, Me Roland Dumas saute de plus en plus haut, va de plus en plus loin, jusqu'à l'inadmissible...

    A la place d'un témoignage écrit, très attendu, Jean-Paul Sartre, en voyage au Brésil, n'a envoyé qu'un télégramme affirmant son «entière solidarité ». Qu'à cela ne tienne. Marcel Péju, des Temps Modernes, familier de Sartre et grand admirateur de Jeanson,apologiste de la désertion, commet un pastiche avec l'accord du philosophe ; Claude Lanzmann apporte quelques retouches,Paule Thévenin dactylographie, Siné signe « Sartre ». On joint le faux au télégramme et le tour est joué. Le 20 septembre, Dumasdemande au tribunal l'autorisation de lire une lettre qu'il vient de recevoir de Sartre. Et l'avocat lit le faux, qui développe le thème de la « solidarité totale » avec les porteurs de valises. Cela ne l'a pas empêché de devenir ministre des Affaires étrangères...

    Henri Curiel, enfin ...

    Le ler octobre 1960, le verdict tombe. Par contumace (il coule d'heureux jours à Nyons, en Suisse, sa villégiature de prédilection), Francis Jeanson est condamné à dix ans de prison, comme quelques autres accusés présents. Huit Français et un Algérien sont acquittés (parmi eux Lounis Brahimi et Paul Crauchet) ; Jacqueline Carré prend cinq ans ; Jacques Rispal trois ;Janine Cahen huit mois. Les condamnés attendront leur libération à Fresnes, dans d'excellentes conditions : ils publient un journal, portent leurs vêtements de ville et se promènent à peu près librement dans la prison. Il ne leur manque qu'un chef. Sera-ce Francis Jeanson ? Le 6 octobre, le philosophe est arrêté à Nyons, en compagnie de Cécile Marion. Il est libéré le 7 au matin, à cause de la perfection technique de sa fausse carte d'identité belge. Jeanson et Marion remontent en voiture, gagnent l'Allemagne, où Vignesvient les chercher pour les emmener en Belgique.

    Sera-ce alors Henri Curiel ? Traqué par la DST, peut-être renseignée par les services de renseignement américains ou autres, Curiel, pressé par ses lieutenants français et les Frères de quitter la France, temporise. Très habile à déjouer filatures et traquenards, parfois chanceux, il se sent en sécurité sur le territoire français où il peut à loisir mener le combat politique qui, seul, l'intéresse. Pour lui, « il n'est pas question de s'envoler comme des moineaux à chaque coup de pistolet ». Trop de confiance nuit ; le 20 octobre 1960, il est arrêté en compagnie de son bras droit, sa compatriote Didar Fawzy, dans l'appartement d'une figurante de cinéma nommée Arlette Denzler, doublure attitrée de Michèle Morgan.

    Pour Henri Curiel et Didar Fawzy, quatre jours d'interrogatoires précèdent la prison (il n'y aura jamais de procès). De Fresnes, Curielparvient à communiquer avec ses camarades libres. Les transports de fonds continuent sur le même rythme, selon la méthode habituelle ; les actions de propagande s'intensifient, surtout à l'adresse des forces stationnées en Allemagne. Pour les besoins de la cause, Curiel se rapproche de Hurst et de Davezies. Labbé est enfin arrêté à Lyon. Il y purge quatre mois de prison pour usage de faux papiers avant de rejoindre ses camarades à Fresnes.

    On s'évade beaucoup. « A l'extérieur, certains militants français se consacrent à la préparation des cavales. Des Jeunes qui ont vite grandi et qui s'appellent par exemple Alain Krivine ou Bernard Kouchner rôdent dans les fossés de Fresnes et relèvent les horaires des rondes. » (Hamon-Rotman).

    Pendant les pourparlers d'Evian, qui commencent le 20 mai 1960, les représentants algériens réclament l'indulgence pour les déserteurs et porteurs de valises ; ils seront naturellement entendus. Les réfractaires seront réintégrés, les porteurs de valises sortiront de prison avant l'heure, certains à l'occasion de la signature des accords.

    Jean-Pierre CHAPPUIS

    Liste non-exhaustive des porteurs de valisesFrançis JEANSON , Hélène CUENA, Dr. CHAULET et sa femme Anne-Marie, Jacques CHARBY , le professeur D'ALSACE et le professeur Pierre VEULLAY , les prêtres de la Mission de France: Abbés Pierre MAMET, Robert DAVEZIES, BOUDOURESQUE.
    Les acteurs Paul CRAUCHET ,André THORENT , Jacques RISPAIL , François ROBERT , Jacques MIGNOT , Jacques et LiseTREBOUTA , Serge REGGIANI , Catherine SAUVAGE , Roger PIGAUT , l'écrivain Georges ARNAUD , Georgina DUFOIX , GuyDARBOIS , Paul-Marie de la GORCE , Annette ROGER , Michel ROCARD , Jean DANIEL, Henri CURIEL et sa femme Rosette , Roland CASTRO , Hervé BOURGES , CASALIS , Gérard CARREYROU , Guy BRAIBANT , Pierre BOUSSEL , Marc BLONDEL , Christian BLANC , François AUTAIN , Pierre FRANK dit "Pedro", AlainGEISMAR , Jean GIOVANELLI , Bernard KOUCHNER , MarcKRAVETZ , Henri ALLEG , Françoise SAGAN , Bernard SCHREINER , Georges SUFFERT , Jacques VERGES , FrançoisMASPERO , Jacques MELLICK , Christian NUCCI , Claude OLIVENSTEIN , Jean—Marie PAUPERT , Jean-Louis PENINOU , MichelPEZET , René-Victor PILHES , Hubert PREVOT , Madeleine REBERIOUX , Pierre VIDAL-NAQUET .

    La Filière allemande :

    : Les trafiquants d'armes Georges PUCHERT (+), Dr. KRUGER, Ernest SPRINGER , Otto SCHLUTER , Marcel LEOPOLD (+ Suisse).

    --==oOo==----

    (1 )Dans "Paris-Match"du  30 septembre 2004,
    un cahier d'une trentaine de page sur Françoise Sagan.

     Extrait d'un article, signé Jacques-Marie Bourget :

    "En 1960, elle découvre la Guerre d'Algérie, et publie un papier dans "L'Express" pour sauver Djamila Bouchapa, de la torture.

    -Elle signe aussi "l'Appel des 121", qui soutient des soldats insoumis refusant de servir.

    -Elle rencontra Jeanson, le patron du réseau français de soutien au FLN.

    -Elle cacha des militants ou les exfiltra jusqu'à une frontière."

    LES PORTEURS DE VALISE du FLN ...

     Par: Pieds Noirs 9A..LES PORTEURS DE VALISE du FLN ...

     Article N°0521 Mars 2010 dans Archives

    LES PORTEURS DE VALISE du FLN ...

                              LES PORTEURS DE VALISES

    LES PORTEURS DE VALISES    LES PORTEURS DE VALISES du FLN ...
    LES FRANCAIS DU FLN

    Collecter et transporter des fonds pour le FLN, héberger et convoyer ses membres : à la fin des années 1950, le réseau Jeanson - une poignée d’activistes anti colonialistes - apporte « sa » réponse à l’impasse française en Algérie. En septembre 1960, le procès de ces militants est l’occasion de dénoncer une guerre que l’on refuse encore à nommer.

    Mattea Battaglia, Le Monde Magazine, 20 février 2010

    Les français découvrent l’existence du « réseau Jeanson » à la faveur d’un coup de filet de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Le 24 février 1960, Paris Presse titre sur huit colonnes : « La police arrête dix Parisiens appointés par le Front de libération nationale. Parmi eux : des professeurs, des artistes et des techniciens de la RTF ». Le 27 février, le quotidien insiste sur la composante féminine de l’organisation (« soixante femmes sur quatre vingt complices du FLN ») et publie les portraits des « Parisiennes du FLN ».

    Six ans après le début d’une guerre qu’on refuse de nommer, deux ans après le retour au pouvoir de de Gaulle qui prône désormais l’ « autodétermination »  en Algérie, l’opinion en métropole se gargarise du scandale. Voilà des hommes et des femmes représentants de la bonne société devenus les « petites mains des Arabes » ! La presse à sensation multiplie les détails sur la « tactique sentimentale des Nord Africains », mêlant commentaires racistes et sexistes. Mais elle élude les questions de fond : qu’ont en commun les individus interpellés ? Et quelles sont leurs motivations ?

    L’animateur du réseau, Francis Jeanson, rescapé de la vague d’arrestations, a déjà avancé ses propres réponses. Ce jeune philosophe (il est né en 1922 à Bordeaux), disciple de Sartre, est un collaborateur régulier des revues Esprit et Les Temps modernes. Au début des années 1950, il y a signé ses premiers articles sur l’Algérie, dénonçant tour à tour l’iniquité du statut de 1947, le racisme des colons, l’oppression subie par les Algériens. Une « situation intenable » dont il a été le témoin direct : il a séjourné en Algérie en 1943, au sein des Forces françaises libres d’Afrique du Nord, puis en 1948, pour sa lune de miel avec sa première femme, Colette.

    En 1955, Francis Jeanson franchit une étape supplémentaire en publiant L’Algérie hors la loi, coécrit avec Colette. Les Editions du Seuil ne peuvent lui refuser la parution de ce livre choc : le philosophe compte parmi leurs collaborateurs (il dirige la collection « Ecrivains de toujours »). Dans ce brûlot, il se prononce sans équivoque en faveur du FLN, au détriment de l’autre branche du nationalisme algérien, le Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj. « L’Algérie hors la loi va devenir le bréviaire des anti colonialistes » note Marie Pierre Ulloa, historienne et biographe de Francis Jeanson. « Le livre se distingue de la pléiade de pamphlets sur l’Algérie pour deux raisons. D’abord, il précède la plupart des grands témoignages sur la torture, écrits pendant ou après la bataille d’Alger, en 1957. Ensuite, Francis Jeanson n’y dénonce pas seulement la torture dans la guerre, mais la guerre coloniale
    elle même ».

    LE TEMPS DE L ACTION

    Après l’écriture vient le temps de l’action. La « trahison » du gouvernement de Front républicain, élu le 2 janvier 1956 sur un programme de « paix en Algérie », accélère cette transition. Le socialiste Guy Mollet, accueilli à Alger le 6 février par des jets de tomates, cède aux « ultras ». Le 12 mars, l’Assemblée nationale vote les « pouvoirs spéciaux », par 455 voix émanant de la droite et de la gauche, y compris celles du Parti communiste. Durant ce même mois de mars, la France reconnaît l’indépendance du Maroc et de la Tunisie, mais sur l’Algérie elle ne veut rien céder. L’attitude de la gauche pousse vers la clandestinité celles et ceux qui ne se satisfont plus du seul mot d’ordre de « paix en Algérie ».

    En 1956, les Jeanson hébergent leurs premiers hôtes algériens. Salah Louanchi, responsable de la fédération française du FLN, est l’un de leurs invités privilégiés. « Il lui arrive, ainsi qu’à d’autres militants algériens, de passer la nuit dans l’appartement que Francis et Colette ont loué au Petit Clamart. Il demande aussi certains menus services : par exemple, d’être conduit en voiture d’un endroit à un autre », écrivent Hervé Hamon et Patrick Rotman dans leur enquête minutieuse sur Les Porteurs de valises (Albin Michel, 1979).

    Etienne Bolo, professeur de philosophie et lecteur au Seuil, présente aux Jeanson la jeune Hélène Cuenat. Cette enseignante en lettres, militante en rupture de ban avec le Parti communiste (le PCF exige des camarades soutenant le FLN qu’ils rendent leur carte), va devenir le numéro deux du réseau et la compagne de Francis Jeanson. « Lorsque je repense au Jeanson de cette époque, praticien, organisateur, je me dis que le fait d’avoir dirigé une collection dans une grande maison d’édition l’avait préparé à ce passage sur le terrain, note-t-elle dans La Porte verte (éd. Bouchène, 2001). Il fonctionnait avec les mêmes outils, fiches détachables, carnets à souche, planning, et puis simplement le papier et le stylo ! »

    TEMOIGNAGES DE TORTURES

    L’année 1957 est marquée par la valse des gouvernements : Guy Mollet, Bourgès Maunoury, Félix Gaillard. A Alger, les « paras » du général Massu généralisent l’emploi de la torture. Les témoignages sur leurs exactions (Pour Djamila Bouhired, de Georges Arnaud et Jacques Vergès, en 1957, Contre la torture, de Pierre Henri Simon, la même année, La Question, d’Henri Alleg en 1958, L’Affaire Audin, de Pierre Vidal Naquet, en 1958) confortent Francis Jeanson dans ses choix et attirent à lui les sympathisants. « Si nous avions pu passer des petites annonces, nous aurions refusé du monde », confiera le philosophe.

    Le 2 octobre 1957, date officielle de la création du réseau, les tâches sont soigneusement réparties. Omar Boudaoud, qui a remplacé Salah Louanchi à la tête de la fédération française du FLN, fait pression en ce sens. Francis Jeanson gère notamment l’hébergement (l’ « hôtel »), Hélène Cuenat et Etienne Bolo les déplacements (le « taxi »). Les renforts ne manquent pas : le journaliste Jacques Vignes sera chargé du franchissement des frontières. Henri Curiel va mettre au service du réseau son charisme et ses contacts avec le Parti communiste. Et superviser les transferts d’argent vers la Suisse.

    MALLES DE LUXE

    Quel argent ? « Les sommes récoltées chaque mois auprès des Algériens de France, au titre de l’ « ichtirak » (l’impôt révolutionnaire), étaient remises aux porteurs de valises, centralisées dans une dizaine d’appartements parisiens, puis entreposées dans trois autres où un décompte minutieux était effectué. Un dernier appartement centralisait la collecte », détaille Gilbert Meynier dans Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002). Ces flux sont réguliers : quatre cent millions de francs par mois (l’équivalent de plus de six millions d’euros 2009), estime t on. De six à dix valises de billets ! Pas vraiment des valises, d’ailleurs, plutôt des malles de luxe, transportées par les femmes du réseau.

    A partir de 1958, le FLN rétribue les principaux membres du réseau : Francis Jeanson, Hélène Cuenat et Jacques Vignes. Chacun touche soixante quinze mille francs par mois (mille deux cent euros 2009). Francis Jeanson n’élude ni les critiques sur les salaires, ni celles sur l’argent transféré ou la manière dont il est utilisé par le FLN. Dans son second pamphlet, Notre guerre (Editions de Minuit, 1960), il fait face à ses détracteurs. «  L’argent, écrit il, sert parfois à acheter des armes, et il arrive que ces armes soient dirigées contre certains Français : telle est sans doute, aux yeux de l’opinion, notre faute majeure ».

    Cette « faute » leur sera d’autant plus lourdement reprochée que le FLN a choisi, en 1958, de porter la guerre en métropole. Dans la nuit du 25 août, des « objectifs industriels », commissariats et casernes sont attaqués dans toute la France. Le 15 septembre, Jacques Soustelle échappe de peu à un attenta en plein Paris. La police et le FLN s’affrontent. Les Algériens du FLN et ceux du Mouvement national algérien (MNA) s’entretuent.

    1959 : le réseau Jeanson redouble d’activité. S’y côtoient, autour du noyau dur initial, des courants divers : artistes et comédiens recrutés par Jacques Charby, prêtres ouvriers regroupés autour de l’ abbé Davezies, anciens soldats, déserteurs ou pas, comme Jean Louis Hurst, Gérard Meïer ou Robert Bonnaud. Les « porteurs de valises » ont leur bulletin d’information, Vérités pour. Ils étendent leurs ramifications en province (à Lyon, à Grenoble, à Marseille), nouent des contacts à l’étranger (en Suisse, en Belgique, en Allemagne). Un faussaire de génie, mi artisan mi artiste, met ses talents à leur service : Adolfo Kaminsky.

    Entre Jeanson et Adolfo Kaminsky, l’accord est immédiat. « Nous étions peu nombreux, dans le réseau, à avoir l’expérience de la Résistance durant la seconde guerre mondiale, se souvient Adolfo Kaminsky, une connaissance du terrain et de la clandestinité qui faisait défaut aux plus jeunes. Nous savions, aussi, que la guerre d’Algérie ne mettait pas directement notre vie en danger : nous ne risquions pas vraiment notre peau, les Algériens si ». Quand ils se sentent « filés », les deux acolytes s’en amusent presque. « Il paraît que la police s’intéresse à nous de plus en plus »? Peut on lire dans Vérités pour, le 12 octobre 1959.

    La toile policière se resserre, jusqu’aux arrestations de février 1960. Francis Jeanson, s’il échappe à la DST, est contraint de passer le flambeau à Henri Curiel (il sera lui-même arrêté le 20 octobre 1960). « L’Egyptien a ses propres troupes, détaille Marie Pierre Ulloa, avec à leur tête Georges Mattei, qui hérite des « valises », soit de la centralisation et de la comptabilisation de l’argent, Jehan de Wangen des filières de passage aux frontières, et Martin Verlet des JR, Jeune Résistance (filière d’évasion et d’hébergement pour insoumis et déserteurs en Algérie) ». Le réseau se réorganise sans Jeanson. Le philosophe se permet encore un pied de nez aux forces de police : le 15 avril 1960, en plein Paris, il tient une conférence de presse clandestine mais retentissante. L’occasion de justifier une nouvelle fois son engagement auprès du FLN : « il fallait que fussent mis en œuvre les préceptes de cette gauche devenue platonique; en particulier sur la solidarité avec les peuples coloniaux. Il fallait que demain, une fois acquise l’indépendance de l’Algérie, des liens fussent encore possibles entre elle et la France ». L’écrivain Georges Arnaud relaye ses propos dans Paris Presse. Un « scoop » cher payé : l’auteur du Salaire de la peur sera poursuivi pour non dénonciation de malfaiteur.

    DROIT A L INSOUMISSION

    Le 5 septembre 1960 s’ouvre à Paris, devant le tribunal militaire, le procès du réseau Jeanson. Les noms des vingt quatre accusés - six algériens et dix huit métropolitains poursuivis pour « atteinte à la sureté extérieure de l’Etat » - sont encore largement inconnus des Français. C’est sans compter la détermination de leurs avocats (vingt six !) chargés de leur défense, dont Jacques Vergès et Roland Dumas. Sans compter non plus la diffusion par les Editions de Minuit, ce même 5 septembre 1960, du Manifeste des cent vingt et un sur le « droit à l’insoumission ». Paraphée par cent vingt et une personnalités publiques (André Breton, Françoise Sagan, Simone Signoret), cette déclaration marque la remobilisation de la communauté intellectuelle représentative d’une partie de la gauche. « En quelques jours, la situation est renversée : c’est le gouvernement, l’armée, leur politique, c’est la guerre d’Algérie tout entière dont le procès commence », commente Marcel Péju, des Temps modernes, dans sa préface au Procès du réseau Jeanson, la reproduction des minutes du procès publiée en 1961 par François Maspero.

    Le verdict est rendu le 1° octobre 1960. Dix ans de prison pour quatorze de ses membres : c’est le cas de Jeanson, condamné par coutumace, d’Hélène Cuenat, de Jacques Vignes, de Cécile Marion, de Dominique Darbois et de Jean Claude Paupert. Le retentissement du procès est perceptible dans les sphères intellectuelles, politiques, militaires, étudiantes. Aux yeux de Français de plus en plus nombreux, l’indépendance de l’Algérie semble inéluctable.

    Lorsqu’elle est proclamée, le 5 juillet 1962, certains « porteurs de valises » gagnent l’Algérie. Ce sont les « pieds rouges », en opposition aux pieds noirs rentrant en métropole, auxquels la journaliste Catherine Simon vient de consacrer une vaste enquête. Francis Jeanson, lui, ne suit pas le mouvement. Son but est atteint. Il pose ses valises, sans rien renier de son engagement.     
     
    Demain au service la France pour sa colonisation ..Pieds Noirs 9A..           

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