• Les Tintins de la Fin des Temps.

    On était en 1976. J’avais quinze ans et plus trop d’illusions en politique (Chirac ? Cochin ? La liste Weil ! Le PS ! Les Européennes !). On avait beaucoup attendu l’album, après l’étrange et drolatique Vol 714 pour Sydney qui recyclait le Matin des magiciens de Pauwels et Bergier : et l’on fut servi.
    Les picaros furent insultés ou incompris. C’était un album ingrat et exigeant, l’équivalent du cinéma d’auteur…

    On voyait bien qu’Hergé avait renoncé à sa mythologie jugée réac par l’Ennemi ; comme si l’on pouvait encore pratiquer le voyage absolu dans les années 70 marquées par le tourisme de masse, les vols charter, les tropiques à l’encan et l’abominable Guide du routard. Le vacancier occidental, bien reproduit depuis en Asie, fut le yéti, l’abominable homme des plages. Revoyez-les, ces Bronzés, ce qu’ils ont fait à l’Afrique et à la montagne. En revoyant l’Eternel retour avec Madeleine Sologne et Jean Marais, je la trouve sublime, cette montagne enneigée : elle ne l’est plus. Elle a été déniaisée et, comme dit Pagnol, l’honneur ça ne sert qu’une fois. Stations de ski… Et vous avez vu dans Rt.com à quoi ressemble l’Everest ? A un WC géant.  

    C’est qu’avec la société de consommation (la mort, en vieux latin) la télé était passée par là avec le couillon tout-terrain Séraphin Lampion : bagnole, télé, Pastis, rigolade. Sans oublier la profanation du voyage que l’on nomme tourisme. 1.5 milliard de touristes maintenant… Pauvre Tintin, pauvre voyage initiatique. On pense à Céline (toujours) :

    « Je voudrais voir un peu Louis XIV face à un "assuré social"... Il verrait si l’État c'est lui ! »

    Le touriste a remplacé Ulysse comme l’assuré social vacciné son Roi-Soleil. C’est la vie.

    Tintin et les picaros fonctionne comme une fiction aventurière à rebours. On voyage, mais c’est pour se faire enfermer (cf. la cabine spatiale...), se faire observer par un tyran et ses caméras. Tintin prend le relais de Patrick McGoohan dans Le Prisonnier. Il est dans une luxueuse villa où plus rien ne se passe, puisqu’il faut s’y terrer. On est dans la société de surveillance, de Foucault (bof…) ou autre. On est devant des miroirs (coucou la Bête…) puis on seconde un général pataud humilié par sa « grosse américaine » ; car courageusement Hergé a assumé sa misogynie jusqu’au bout, et il aura eu raison de le faire : voyez Ursula, Hillary, voyez Sandrine ou la folle écologiste teutonne. La guerre est femme. Relire Molière...

    Pour ce qui est de la surveillance, Hergé nous avait prévenus dans On a marché sur la lune et la cauchemardesque affaire Tournesol. La belle aventure sous les Tropiques ou dans les déserts était terminée, on allait vers un Grand Enfermement, car on est devenus du « coke en stock ». Tout cela au cours des années soixante, quand Debord écrit sa Société du Spectacle. Ce même Debord (cité par mon ami Bourseiller) écrit alors qu’on assiste « à un processus de formation d’une société totalitaire cybernétisée à l’échelle planétaire ».

    Quand on y pense bien c’est aussi le sujet de Vol 714 pour Sydney qui sonne même le glas d’une humanité hypnotisée et téléguidée par des extraterrestres. L’aventure tropicale mène à une caverne d’épouvante. La même entropie claustrophobe est à l’œuvre dans les Bijoux de la Castafiore (chaste fleur ou casse ta fiole ?) : Haddock est coincé, handicapé, blessé, paralysé, engueulé et sevré. La Castafiore qui le castre matin midi et soir en fait une « âme de grand enfant un peu naïf » victime de paparazzi et de l’air du temps. Il ne leur manque plus que les pédopsychiatres à nos deux héros qui ont défié le Tibet, les déserts et les glaces. Mais déjà Saint-Exupéry nous mettait en garde :

    « Ces voyages, le plus souvent, étaient sans histoire. Nous descendions en paix, comme des plongeurs de métier, dans les profondeurs de notre domaine. Il est aujourd’hui bien exploré. Le pilote, le mécanicien et le radio ne tentent plus une aventure, mais s’enferment dans un laboratoire. Ils obéissent à des jeux d’aiguilles, et non plus au déroulement de paysages. Au-dehors, les montagnes sont immergées dans les ténèbres, mais ce ne sont plus des montagnes. Ce sont d’invisibles puissances dont il faut calculer l’approche. Le radio, sagement, sous la lampe, note des chiffres, le mécanicien pointe la carte, et le pilote corrige sa route si les montagnes ont dérivé, si les sommets qu’il désirait doubler à gauche se sont déployés en face de lui dans le silence et le secret de préparatifs militaires. »

    C’est dans Terre des hommes. On relira avec profit ici  cette lettre à un général.  C’est vrai que Tintin c’est un petit prince qui aurait grandi – mais pas trop. Un ado héroïque, jeune héros d’une Europe encore éprise de sport et d’aventures, de voyages et d’initiation. Après la guerre Hergé, qui a été arrêté, insulté et persécuté (mais pas fusillé !) comprend quel camp (celui de Bohlwinkel, vous vous souvenez…) a gagné, et vers quoi on se dirige. Alors on s’adapte, comme dit Céline. La grande épopée arthurienne et hyperboréenne de l’Etoile mystérieuse, récit qui balaie les trouilles apocalyptiques venues de cette Bible-blob  (excellent petit film avec Steve McQueen)  qui n’en finit pas de nous aliéner, sont laissées derrière et les savants partent vers le Grand Nord à la découvertes des îles fortunées des mythologies grecques et celtes. Quel enchantement ces BD tout de même. Elles furent mon dernier trampoline.

    Revenons-en à Tintin et à nos picaros puisque c’est le dernier.

    Quand notre héros sans progéniture (prolétaire au sens strict il n’a jamais rien possédé) passe dans la jungle, la même impression d’irréalité le poursuit. Le général Alcazar bouffonne au milieu d’ivrognes, il est soumis à son ogresse américaine qui prend le relais de la Castafiore, et il rêve de cruauté dont il serait cette fois l’auteur et plus la victime. La même banalité des changements dictatoriaux reproduit celle des élections démocratiques, lesquelles laissent le consommateur électeur éternellement insatisfait (voir Obama, Sarkozy, Blair, Berlusconi et le reste). Debord toujours :

    « Ainsi se recompose l’interminable série des affrontements dérisoires mobilisant un intérêt sous-ludique, du sport de compétition aux élections. »

    La dernière bulle de l’album montre d’ailleurs que l’éternel pays du tiers-monde restera misérable avec le changement de pouvoir. Hergé ne se fait pas d’illusions sur nos sociétés, et il le donne à lire. Voilà pourquoi aussi Tintin ne joue plus au matamore : il joue soft, comme on dit, prend un tour politiquement correct, non-violent, et il prépare sa révolution…orange.

    Car le grand intérêt pour moi de l’album réside dans l’apparition du commando de touristes. Tintin au pays des touristes? Mais oui, et cela montre l’entropie accélérée des décennies de la société de consommation, qui ont plus changé la planète que des milliers d’années d’histoire, et qui ont définitivement altéré l’humanité et son rapport au réel. Tintin, l’homme de l’Amazonie et de l’Himalaya, de l’Hyperborée et des tombeaux égyptiens, se retrouve dépassé, rattrapé, humilié par un quarteron de salariés en retraite venus faire la fête sous les tropiques, avec un masque de carnaval. John Huston a très bien tapé aussi sur les touristes dans la Nuit de l’iguane, film flamboyant avec un Richard Burton tordant comme jamais.

    Et il va les utiliser, ses figurants, en faire des acteurs malgré eux de son jeu politique dérisoire (changer de président). Tintin crée, dis-je, une révolution orange, de celles qu’on avait vues dans les pays de l’ex-bloc soviétique, quand la CIA lançait des manifestations contre un pouvoir ilote et pas très roublard qui devait aussitôt se démettre sous les applaudissements de la presse et des médias de l’ouest. De ce point de vue, et encore génialement, Hergé se fait le prophète du monde sans Histoire où nous vivons ; et qui est fondamentalement un monde de jouisseurs lassés qui ne veut plus d’histoires – il ne veut même plus qu’on lui en raconte. C’est pourquoi il utilise son nouveau héros, depuis plusieurs épisodes, depuis L’affaire Tournesol ou depuis Coke en stock, qui inaugure la série des albums crépusculaires du grand maître, et qui est là pour se moquer de ses personnages, j’ai nommé Séraphin Lampion, qui exerce l’honorable profession d’assureur. C’est d’ailleurs quand elle lui claque la porte au nez que la Castafiore se fait dérober son émeraude par la pie voleuse. Revoyez aussi cet épisode où la télé du décidément nuisible Tournesol-Folamour rend ivres et tremblotants ces spectateurs...

    Les Picaros liquident donc l’univers de Tintin. En Amérique du sud, le mot picaro désigne aussi l’escroc, l’agioteur, maître des sociétés modernes, c’est-à-dire baroques. La crise immobilière, le boom touristique, « les détritus urbains qui recouvrent tout (Lewis Mumford, plus grand esprit américain du dernier des siècles) », c’est la faute au picaro. Il n’y a plus d’histoire, il n’y a plus non plus de géographie, la technologie l’a décimée. Il n’y a plus d’exotisme, les carnavals, les festivals et les voyages en groupe l’ont décimé, ainsi que la culture. Il n’y a plus de spiritualité non plus, au sens de Malraux, non plus, ce qui signifie que ce siècle lamentable NE SERA PAS AU FINAL.

    On comprend que l’album ait déchaîné l’ire de certains aficionados, notamment de droite (ils veulent toujours du rab, du grain à moudre ceux-là), pour reprendre un terme latino. Ici Hergé a repris une vieille ficelle du métier, comme lorsque Conan Doyle avait voulu mettre fin aux aventures de Sherlock Holmes, fatigué qu’il était d’être dépendant ad vitam de sa création. Mais il l’a fait en gardant son personnage en vie, en le normalisant, en le glissant dans un monde d’ombres médiocres. C’est plus dur à supporter, quand on s’est voulu l’héritier d’Homère ou de Virgile, de Rabelais (quart et cinquième livre) ou de Jules Verne. On découvrira notre texte sur le cosmonaute comme machine à conditionner (fr.sputniknews.africa).

    On peut remercier Hergé d’avoir décrit l’enfer américano-tiers-mondiste où nous survivons patibulaires. Il était moins fatigué qu’il en avait l’air. Avant de mourir, alors que nous évoquions les dernières élections présidentielles, Jean Parvulesco (qui était un acteur né et figura dans A bout de souffle) me disait : « la race humaine est fatiguée ».

    Il nous reste les bêtes et certains paysages.

    Sources :

    https://www.dedefensa.org/article/lettre-de-saint-ex-pour-notre-fin-des-temps

    https://www.dedefensa.org/article/saint-exupery-contre-la-vie-ordinaire

    https://fr.sputniknews.africa/20170317/nasa-farce-vraie-mission-cosmonautes-1030500652.html

    Source


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  • Il y a 49 ans les Khmers rouges prenaient Phnom Penh sous les applaudissements de la gauche française

    Il y a 49 ans les Khmers rouges prenaient Phnom Penh sous les applaudissements de la gauche et allaient massacrer près de la moitié de sa population…

    C’est le 17 avril 1975 que la capitale du Cambodge tomba aux mains des maquisards du Front uni national du Kampuchéa (FUNK). L’entrée de l’armée révolutionnaire fut acclamée par des dizaines de milliers d’intellectuels, de journalistes, de politiciens et de philosophes occidentaux qui se réjouissaient de la chute du gouvernement Lon Nol.

    Après avoir célébré la chute de Dien Bien Phu et l’abandon de l’Algérie aux terroristes du FLN, les intellectuels et journalistes français vont une fois de plus se distinguer dans l’innommable.


    Dès cet instant, le Cambodge bascule dans les ténèbres d’un enfer pensé, analysé, planifié et exécuté par l’Angkar – organisation socialo-marxiste – dominée par les Khmers rouges.

    Reconnus et soutenus par l’Internationale socialiste, les « maîtres » du « Kampuchéa démocratique » vont transformer et contrôler la société cambodgienne, saper la mémoire collective et couper la population de son Histoire. Ce processus a conduit à évacuer toutes les villes, à créer un collectivisme absolu et à éradiquer toute trace du passé (monastères bouddhistes, école, livres et journaux).

    Cette répression ne visait pas des groupes raciaux ou des minorités ethniques spécifiques, mais des couches sociales et tous les opposants politiques, réels ou supposés. Le démographe Marek Sliwinski a démontré scientifiquement que c’est un quart de la population (7,2 millions d’habitants en 1974) qui a été exterminé et presque 42 % de ceux qui vivaient ou étaient réfugiés à Phnom Penh avant le 17 avril 1975.

    C’est ainsi que cet ancien protectorat français (depuis 1863) va sombrer dans l’horreur…

    La France du Second Empire y avait établit sa protection sur le Royaume, jusque-là vassal du Siam (Thaïlande). Le Cambodge fut intégré en 1887 à l’Indochine française lors de la création de cette dernière. En novembre 1949, le système de protectorat laissa la place à un statut d’État associé de l’Union française, toujours au sein de la Fédération indochinoise. En 1953, pendant la guerre d’Indochine, le roi Norodom Sihanouk proclama l’indépendance du pays, que les accords de Genève réaffirmèrent l’année suivante tout en conservant son amitié à la France.

    Source : http://www.contre-info.com

    Il y a 45 ans les Khmers rouges prenaient Phnom Penh

    La chute de Phnom Penh - Le récit d'André Pasquier, délégué du CICR

     


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  • Humour politique

    Pour lancer ma rubrique Humour,voici, un diaporama qui réunit quelques images humoristiques dans le domaine de la politique. Je dois rendre hommage au dessinateur Placide et Kak qui nous régale tous les jours dans les pages du magazine l’Opinion, et à qui j’ai emprunté quelques illustrations.


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  • En direct de Gochix-sur-Saône …

    « Boire de la bière le jour de l’Aïd dans l’espace
    public, c’était une provocation islamophobe !
     »

    Vous venez de lire la déclaration du maire écolo de Bordeaux, Pierre Hurmic, au soir de l’agression au couteau de deux personnes, perpétrée par un migrant afghan.

    Cet Afghan avait tué une personne et en avait blessé gravement une autre, au motif qu’elles consommaient de l’alcool en plein ramadan !

    On mesure le degré de perversion idéologique qu’affiche ce maire écolo dont les premiers mots ne sont pas pour plaindre les victimes mais plutôt pour les accabler et trouver une excuse au meurtrier ! Bravo à tous les Bobos bordelais qui ont élu ce triste sire !

    Voici un tweet savoureux de Le Crapaud @Zoltan_47 qui illustre à merveille les propos irresponsables de Pierre Hurmic :

    Gochix-sur-Saône, 2024 :

    – Alors, je me trouve actuellement devant la mairie de Gochix-sur-Saône avec Roger Lagrue, le maire de la ville, qui s’exprime pour la première fois suite au triple meurtre d’hier soir. Monsieur le Maire, je vois que ce drame vous a beaucoup touché.

    – Bonjour, alors, j’aimerais en priorité dénoncer la récupération par l’extrême droite. Il me semble important de dire qu’ici, à Gochix, nous ne céderons pas à la haine. Le fait que ce pauvre Afghan sous OQTF puisse être la cible de tant de haine n’est pas conforme à ma vision des valeurs de la République.

    – Monsieur le maire, vous avez aussi peut-être un mot pour les familles des victimes. Je rappelle que deux petites filles de 4 et 8 ans ainsi que leur mère ont été tuées et démembrées hier soir.

    – Cet acte ne doit pas nous faire oublier nos valeurs humanistes et ne doit surtout pas nous faire oublier que nous devons tous être unis contre la menace d’extrême droite.

    – Monsieur le maire, comptez-vous augmenter les effectifs de police pour pallier le problème d’insécurité dans votre ville ?

    – Surtout pas, je ne veux pas augmenter le risque qu’un policier tue encore un de ces braves jeunes qui ont juste manqué d’amour et de services publics.

    – Vous ne comptez donc rien faire ?

    – Bien sûr que je vais agir ! Demain à 14h, nous organiserons une belle fête avec repas halal suivi d’un spectacle de hip-hop juste avant la prière de rue à laquelle je me ferai une joie de participer. Nous devons nous battre pour que le vivre ensemble continue coûte que coûte.

    – Et cette peluche ?

    – Ah oui. À mon initiative et avec la participation financière de la région, nous mettrons en vente demain ce petit ours au prix de 20 euros dont les bénéfices iront à l’association « Un Migrant, Un Sourire ».

    – Toujours pas de mots pour les victimes ?

    – Hein ? Quelles victimes ?

    Le Crapaud @Zoltan_47

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  • Quand je pense que j’ai été abonné à Télérama …

    Oui, je le confesse et m’en repens aujourd’hui, j’ai été abonné à ce magazine que je déteste aujourd’hui.

    Je pourrais presque invoquer l’excuse de minorité, à la mode ces jours-ci, au moins l’erreur de jeunesse puisque j’avais à peine atteint la quarantaine à l’époque.

    Je me souviens parfaitement du moment où j’ai résilié mon abonnement à Télérama, après avoir lu un article au vitriol contre la privatisation de TF1 que j’approuvais. C’était donc peu après le 16 avril 1987, date de la naissance de TF1 en tant que chaine privée.

    Je crois n’avoir encore jamais consacré un article à Télérama ce qui va être corrigé ce jour après avoir eu connaissance d’un brûlot contre Gilles Kepel publié par le magazine gauchiste.

    J’ai une très grande admiration pour de nombreux intellectuels qui bravent la doxa immigrationniste dominante et qui le paye au prix fort !

    Je pense entre autres à Michel Onfray, à Alain Finkielkraut, Georges Bensoussan, Florence Bergeaud-Blacker, Boualem Sansal et donc Gilles Kepel.

    Voici un article de Causeur qui démonte ce brûlot évoqué plus haut et dédié à Gilles Kepel :

    Télérama furieux des fréquentations de Gilles Kepel

    L’hebdo télé de la gauche bobo dézingue le politologue et ancien prof de fac Gilles Kepel: c’est le niveau zéro du journalisme.

    Sous son influence, le concept décrié de “djihad d’atmosphère” imprègne les débats. Expert de l’islam depuis les années 1980, Gilles Kepel fraye aujourd’hui avec les médias d’extrême droite et se dit chassé par les “wokistes” de l’université. Qu’est-il arrivé au brillant politologue ?

    Ainsi est sous-titré un long article sur Gilles Kepel paru dans le Télérama n° 3873. En quelques mots, sournoisement, tout est dit. Les sous-entendus sont clairs : Gilles Kepel a été un brillant politologue mais maintenant c’est un suppôt de l’extrême droite un peu parano. Son tort ? Avoir travaillé pendant des décennies sur la religion coranique et être parvenu à la conclusion qu’un islam politique et radical, prosélyte, rigoureux et organisé, taraude notre société et met tout en œuvre pour voir advenir en France et en Europe un islam rigoriste via la charia.

    L’article cite des chercheurs, d’anciens élèves, des collègues de Kepel dont nous ne saurons pas le nom. En effet, ces derniers, « craignant pour leur carrière, ont requis l’anonymat ».

    Inversion de la réalité : c’est la carrière de l’islamologue qui a été brisée. Ce dernier a d’abord vu sa chaire fermée par Richard Descoings à Sciences Po puis a été interdit d’enseignement à l’ENS fin 2022 sous des prétextes fallacieux dont celui d’un manque de financements pour sa chaire Moyen-Orient Méditerranée. Depuis, se désole le magazine télévisuel :

    On lit davantage Kepel dans les colonnes du JDD sauce Bolloré ou chez les médias d’extrême droite Valeurs actuelles et Causeur.

    S’il arrive à Kepel de préfacer des essais, ce sont des essais « prêtant à polémique », comme celui de « Florence Bergeaud-Blackler, une anthropologue prisée par l’extrême droite », laquelle a écrit un livre sur les Frères musulmans « à la méthodologie contestée ». Contestée par qui ? Mystère et boule gomme. On ne saura pas non plus qui se cache derrière « l’avis général » qui considère que Kepel « a déserté de longue date le champ de la recherche ». On ignorera de même qui est le brillant « chercheur » jugeant que le « djihadisme d’atmosphère » est un « concept au doigt mouillé, et surtout le marchepied parfait pour l’extrême droite ». En conclusion, Télérama note que Valeurs actuelles a déjà utilisé cette expression et que, nourris de la même sémantique supposément d’extrême droite :

    Le JDD évoque un “antisémitisme d’atmosphère” et la sociologue Nathalie Heinich dénonce désormais le wokisme comme un “totalitarisme d’atmosphère”.

    Article écœurant de bout en bout.

    On savait Télérama imprégné d’idéologie progressiste, européiste et immigrationniste. On percevait de plus en plus l’influence woke dans nombre de ses articles.

    Mais on n’imaginait pas y lire un jour un article aussi bâclé et consternant, torché avec des bruits de couloir, regorgeant de ces tics de langage répétitifs, de ces anathèmes contre une « extrême droite » fantasmée qui sont la marque de fabrique de Libération ou de Mediapart.

    On ne pouvait pas prévoir que les journalistes de ce magazine télévisuel allaient être à ce point déconnectés de la réalité qu’ils ne seraient même plus fichus de réaliser que le « djihadisme d’atmosphère » dont parle Kepel est à nos portes, dans nos rues, dans nos écoles. Quotidiennement, des événements qui relèvent de ce phénomène secouent la France :

    • agressions au couteau contre les kouffars ;
    • irruptions dans les églises au cri d’Allah Akbar ;
    • police des mœurs coraniques dans les écoles et dans de nombreuses villes ;
    • tentatives d’imposition du voile islamique et difficulté de plus en plus grande pour les jeunes filles d’origine arabe de s’habiller « à l’européenne » ;
    • menaces sur les professeurs, les proviseurs, les commerçants, les chercheurs, les maires, via les réseaux sociaux ;
    • nécessité de recourir de plus en plus souvent à une protection policière pour ces gens menacés de mort ;
    • comportements de plus en plus violents de la part d’élèves et de parents musulmans radicalisés dans les écoles ; etc.

    Télérama ne voit pas le rapport avec l’islamisme – comme Le Monde et Le Nouvel Obs, qui font partie du même groupe de presse. Craignant qu’une trop grande subtilité analytique rebute leur lectorat composé pour l’essentiel de néo-bourgeois soixante-huitards, ces journaux vont au plus simple : 

    • ceux qui sont à la droite du centre-droit macroniste sont tous réactionnaires ou d’extrême droite.
    • Ceux qui réfléchissent sur l’entrisme de l’islamisme dans la société française sont tous d’extrême droite.
    • Ceux qui analysent l’influence néfaste du frérisme, du salafisme, du wahhabisme en Europe sont tous d’extrême droite.
    • Enfin, ceux qui se rendent sur les plateaux de CNews ou donnent des interviews au JDD ou à Valeurs actuelles afin d’avertir sur les dangers d’une immigration massive issue essentiellement de pays musulmans sont tous d’extrême droite.

    Il nous tarde de lire le prochain papier de Télérama sur … Boualem Sansal, par exemple. 

    Didier Desrimais pour Causeur.


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