« C’était une surprise d’être sélectionné, indique Hassan. Quatre places pour toute la prison ! » Yassine ajoute : « C’est flatteur aussi. Parce que ça dit que le bon comportement, ça paye. On arrive tous en fin de peine. » Hassan est incarcéré depuis 3 ans et demi, Yassine et Samy depuis 5 ans. Quant à Ons, il sort aujourd’hui après six mois de détention. « J’ai mis mon nom comme ça… Mais j’ai vu qu’ils m’avaient pris. Ça fait plaisir ! » indique le jeune homme qui arrive d’un atelier de peinture.
Mercredi, encadrés par cinq accompagnants (tirés au sort), dont leur moniteur de sport, les quatre détenus ont donc assisté à la rencontre au stade Mauroy. Une véritable découverte pour Yassine qui pénétrait pour la première fois dans une enceinte de foot. Et de beaux souvenirs pour Samy : « J’ai travaillé pour Eiffage. J’ai fait les fondations du stade. Je me rappelle qu’il y avait des visites pendant le chantier. Mais je ne l’avais pas vu fini. Ça n’a rien à voir… » La première chose que les hommes ont retenu est la difficulté à se garer : « On a dû aller dans un parking silo à 20€ la place et par voiture ! » Ensuite leur viennent à l’esprit le bruit, la foule, les chants, les couleurs, autant d’éléments à digérer d’un coup pour ces détenus habitués au calme de leur cellule. « Du soir, j’en ai vomi. Trop d’informations… », indique Samy en prenant sa tête à deux mains. Cette sortie a également permis à détenus et surveillants de se voir différemment, « au-delà de l’uniforme », souligne Yassine.
L’opération ne sera pas renouvelée, mais elle a été comme la cerise sur le gâteau des sorties sportives et culturelles organisées pendant l’année par la prison d’Annœullin. Des sorties ne servant pas seulement à occuper les détenus mais également à préparer « La sortie », la libération et la réinsertion. « Certains détenus pensent que ça sert à rien de bien se conduire mais c’est faux !, explique Yassine. On a tout à gagner d’avoir un bon comportement. » Samy approuve : « Si vous voulez un aménagement de peine, votre comportement est regardé. » Ces quatre-là n’ont donc pas volé leur ticket pour Russie-Slovaquie.
Proposé par le ministère des Sports
L’Eurofoot est un projet porté par la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) sur l’ensemble de ses établissements. Les actions ont été financées par le ministère des Sports avec la Fédération française de football dans le cadre du dispositif « Tous prêts ! » C’est grâce à cette aide qu’une sortie comme celle du stade Mauroy a pu être organisée.
Chaque année, les moniteurs de sports des établissements pénitentiaires organisent un tournoi interne de football. Cette fois, il a pris les couleurs de l’Euro. Les détenus de la maison d’arrêt ont assisté aux matchs de leurs camarades et ont rédigé un journal de la compétition qui sera bientôt diffusé dans l’établissement. Ils ont également tenu à jour des tableaux de match sur les trois bâtiments de détention en les inscrivant sur des panneaux qu’ils avaient fabriqués.
Les services de la formation professionnelle ont donc participé à l’opération, tout comme la formation vidéo. Ses participants filmeront la finale du tournoi interne qui devait avoir lieu vendredi mais qui a été reportée à cause de la pluie.
L’observatoire international des prisons
L’OIP, qui a une antenne à Lille, milite pour le droit à la dignité des détenus. Anne Chereul, sa déléguée régionale, est « d’une manière générale plutôt favorable aux sorties sportives et culturelles pour que les détenus puissent aller vers l’extérieur ». Mais elle déplore que cela touche si peu de détenus : « C’est une part infime de la population incarcérée à Annœullin, même pas 1 % ! Je comprends la logique de bon comportement qui est une logique assez disciplinaire, mais il ne faut pas utiliser ces opérations simplement comme des récompenses, mais aussi comme des outils de travail pour favoriser la réinsertion. Ces permissions de sorties devraient être utilisées davantage de manière volontariste. » La déléguée régionale de l’OIP aimerait que ce type d’initiatives touche également « des détenus au parcours un peu plus compliqué afin de leur donner d’autres perspectives. »
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